Purée de pois et route pêche

Purée de pois et route pêche

En ce cinquième jour de course, le Queen Mary 2 ouvre toujours la route, naviguant à 22 nœuds de moyenne au Sud de la Nouvelle-Écosse. Le liner a franchi en début de nuit la longitude de Saint-Pierre et Miquelon, archipel français de 245 kilomètres carrés et 6000 habitants, et n’était plus qu’à 600 milles de New York ce vendredi à 5 heures UTC. La flotte navigue dans le brouillard, et à bord de Macif en milieu de nuit, la visibilité ne dépassait pas une trentaine de mètres, ce qui n’empêchait pas le leader de marcher à plus de 20 nœuds.

Légèrement sous la route orthodromique, les quatre Ultimes bénéficient d’un bon flux de Sud Sud-Ouest leur permettant de marcher au près bâbord amures entre 20 et 25 nœuds, Macif (François Gabart), Idec Sport (Francis Joyon) et Sodebo Ultim (Thomas Coville) longeant au Sud la zone d’exclusion des glaces depuis cette nuit. Actual (Yves Le Blévec) un peu plus au Nord est ce matin à 285 milles du leader, ne pouvant guère lutter en terme de vitesse pure. Comme le dit Jean-Luc Nélias, le navigateur de Sodebo Ultim’ : « il n’y a guère d’autres options depuis Saint-Nazaire et on se suit tous à la queue leu-leu ».

Macif, qui en fin de journée a fait un judicieux contre-bord pour profiter d’une bascule de vent à droite et ainsi se décaler un peu plus au Sud et au vent, a légèrement accru son avance sur IDEC SPORT (38 milles), Sodebo Ultim’ n’étant qu’à 33 milles du tableau arrière du trimaran rouge skippé par Francis Joyon. « On ne voit absolument rien et à peine la tête de mât », racontait ce matin à la vacation de 3 heures UTC, Antoine Gautier à bord de Macif, dans une véritable purée de pois, habituelle de cette zone où les courants froids du Labrador et chauds du Gulf Stream se rencontrent et s’affrontent, générant un épais brouillard qui devrait accompagner la flotte toute la journée. Tout va bien à bord des quatre Ultimes, à l’image de l’équipage d’Actual qui a fêté hier soir les trente ans de Stanislas Thuret, le media man du bateau.

Ils ont dit :

Antoine Gautier (Macif) : « Là, on a 20 nœuds de Sud Sud-Ouest et on ne voit rien ! Il y a tellement de brouillard que l’on distingue à peine le haut du mât. C’est un truc que l’on n’a pas chez nous ! Hier, il y a eu localement une rotation du vent sur la droite, et du coup on a décidé de la saisir en virant. En fait, toute cette nuit il y a eu des passages de courant dus au Gulf Stream, et on vient d’en sortir. C’est pour ça qu’on va vite (à 28 nœuds au classement de 5 heures) et que l’on risque de creuser un peu l’écart quand nos poursuivants vont rentrer à leur tour dedans. On va encore avoir du vent pendant cinq à six heures avant un virement en bordure de la zone des glaces. Ensuite, on va traverser de nouvelles dorsales (anticycloniques) et donc on aura peu de vent dans la journée. On n’a même pas le radar en route mais ça ne change rien, et on est à l’attaque. Tout à l’heure on a eu une petite alerte car on a tapé quelque chose. Je pense que c’était un poisson. Ce sont les aléas et on n’est jamais à l’abri de casser quelque chose. Sinon, ça va super. On est juste un peu perdus dans l’organisation de nos quarts. On ne sait jamais qui il faut réveiller et à quelle heure, mais tout se passe bien. Les routages peuvent évoluer, et il y a un gros écart entre les différents fichiers météo. Notre ETA (temps estimé d’arrivée) se situe entre le 3 et 4 juillet. »
 

Yves le Blévec (Actual) : « On attaque le brouillard et c’est conforme au coin avec le courant du Labrador. On est au près à une vingtaine de nœuds et on ne voit pas grand chose. Pour l’instant on est encore très loin des zones de pêche du banc de Terre-Neuve situées à 600 milles. Ce sont les pêcheurs qui peuvent être inquiétants pour nous. On a activé l’AIS nous permettant de détecter si il y a un radar à proximité. Tout va bien à bord. Je suis vraiment ravi de la composition de l’équipage et donc de la façon dont les quarts sont organisés. Tout le monde se croise et a des tâches spécifiques. On vient de fêter les 30 ans de Stan (Stanislas Thuret) notre media man, et il y avait des ballons multicolores partout dans le bateau. Concernant la course, on est dans les performances du bateau, et on ne peut pas suivre le trio de tête. Du coup, l’écart à l’arrivée va être important… mais c’est malheureusement conforme au potentiel d’Actual, ce qui ne nous empêche pas de naviguer avec beaucoup d’application. »

Jean-Luc Nélias (Sodebo Ultim) : « Autour de nous, c’est nuit noire mer plate et c’est un peu brumeux. On est avec Vincent (Riou) de quart sous le rouf et on pilote aux instruments ! Ça paraît simple comme ça, mais on a vingt compteurs et afficheurs devant nous que l’on surveille pour faire marcher le bateau le plus vite possible, et c’est assez passionnant. Ce matin l’on va traverser un talweg (zone de basses pressions), et il y aura de la molle et des vents instables avant de repartir au près. Sur les prochaines 24 heures, on a deux transitions à franchir. C’est une transat de près et on voit bien que les bateaux sont à la queue leu-leu depuis Saint-Nazaire. Et à part créer de petits décalages en faisant du tribord amures quand le vent est à droite et du bâbord amures quand le vent est à gauche, c’est un peu monotone et une course de vitesse pour ne pas se faire décrocher, et rester dans les mêmes systèmes météo. Le final s’annonce un peu foireux et il peut y avoir un coup de Jarnac ! »