Un paquebot qui trace, quatre trimarans qui régatent…

Un paquebot qui trace, quatre trimarans qui régatent…

29 June 2017

Changement de régime et nouveau décor sur les eaux de l’Atlantique Nord. Sale temps au-dessus du Queen Mary, dont la corne de brume chante à tue-tête toutes les deux minutes, dans la boucaille et sous une pluie persistante alors qu’il aborde le point le plus Nord de sa trajectoire entre Saint-Nazaire et New York.  À moins de 1000 milles de l’arrivée sous le pont de Verrazzano, au passage des légendaires bancs de Terre Neuve, rythmé ce jeudi par la circulation d’une dépression et d’un épais front nuageux, le « lovely weather », décrit hier par le commandant Christopher Wells, sur une mer d’huile et sous un soleil radieux, n’est plus qu’un vieux souvenir pour les 2000 passagers du paquebot.

Pour les quatre trimarans Ultimes, c’est une toute autre histoire en ce 4è jour de course, alors que l’écart se creuse irrémédiablement avec l’imperturbable « liner » traçant sa route vaille que vaille en mode croisière express. Et ce s’autant plus, qu’il s’est payé le luxe extrême de couper au plus court et de faire fi de la zone des glaces, définie pour éviter que les voiliers ne prennent le risque de rentrer en collision avec des growlers dérivant des icebergs localisés 100 milles plus au nord.

Faux statuquo…
Accusant désormais un retard de 700 milles face au géant d’acier, les équipages progressent dans des conditions radicalement différentes, et les prévisions, sur le parcours d’Est en Ouest, ne leur laissent plus aucune chance de menacer la marche impériale du navire amiral de la Cunard. Pour autant, dans leurs rangs, la bataille fait rage. Et le statuquo qui semble l’emporter aujourd’hui sur l’eau ne trompe personne. En dépit d’un effet de compression et d’extension de la flotte, sur un classique air d’accordéon au passage d’une excroissance anticyclonique, la régate bat toujours son plein. « Nous sommes au cœur de ce pour quoi nous sommes venus », confirme volontiers Francis Joyon à bord d’IDEC SPORT, qui progresse en embuscade à une poignée de milles de Macif, l’actuel leader, en approche de la bordure Sud de la zone interdite à la navigation et définie par les règles de course de cette Transat du Centenaire. Et le skipper, détenteur du Trophée Jules Verne, d’ajouter : « tout le monde est « taquet ». Hier soir, à l'heure de la réception des derniers fichiers météos, nous avons observé les mêmes changements de cap simultanés chez chacun des trois premiers multicoques, preuve de la réactivité des équipages. »  

Du possible vers New York…
Dans ce contexte, bien que les routages se ressemblent pour les 36-48 heures n’augurant pas de divergences dans les choix de route pour les quatre protagonistes, l’horizon se dégage pour le dernier tronçon du parcours entre Terre Neuve et New York. «  Cette zone est une véritable nursery pour une multitude de phénomènes qui s’y développent », explique Dominic Vittet, le météorologue de la course. « Parmi eux, certains meurent sur place, d’autres génèrent des dépressions, qui traversent ensuite l’Atlantique jusqu’à nos côtes européennes. Cette zone et ses phénomènes restent très difficiles à prévoir et laissent le champ libre à beaucoup d’incertitudes pour la fin de course, en offrant autant de coups à jouer… »  Et ce n’est pas les 22 marins de la course qui diront le contraire, alors qu’il leur reste trois jours de mer pour se départager. Pour eux aussi, New York reste la ville de tous les possibles…